Chapitre III: Clocher narthex & Premier étage.
Visite de l’église pour la réunion C.l.S Patrimoine à HUPPY le 11 juin 2004
LE NARTHEX
Nous entrons dans l’église en passant sous la voûte basse du clocher. Nous sommes dans le Narthex (porche spacieux précédant l’entrée de certaines églises françaises ou anglaises. On y bénissait autrefois, encore aujourd’hui à Huppy, les défunts avant l’entrée du cercueil dans l’église) « appelé aussi GALILÉE ».
La voûte en croisée d’ogives n’a pas de clef centrale, les deux diagonaux NE-SO et NO-SE formant croix, elle ne possède pas non plus de liernes ou tiercerons ; les voûtains de la paillasse de voûte reposent sur les formerets moulurés encastrés dans le mur au cours de la construction des murs du clocher.
Les gerbes (ou départ de voûte) reposent sur 4 culots sculptés de feuillage, acanthe ou vigne. Le culot NE laissant apparaître une grappe de raisin. L’appareillage des gerbes avec les murs montrent certaines différences entre les assises des deux éléments, murs et gerbes, ce qui laisse à penser que la voûte a été posée après coup (sûrement longtemps après). D’autres indices accréditeront cette thèse, nous le verrons par la suite.
Cette voûte éventrée en partie lors de la chute du mur Nord et d’une partie du mur Est du clocher, a été refaite dans les années 1950 -›1960 (par l’entreprise Charpentier P.M de Paris au sein de laquelle plusieurs ouvriers de Huppy ont œuvré à la restauration de l’église, nous en dresserons la liste en temps utile.
Sur le mur Nord se trouve la porte d’accès à l’escalier en spirale (ou en colimaçon). Cet escalier lui aussi effondré au cours de la guerre 39/45, a été refait à la même époque. Une porte en planches de chêne garnie de vieux clous en garde l’accès (bien évidemment cette porte a été refaite) La porte d’entrée Ouest de l’église est en anse de panier surbaissé, faisait penser à du Roman tardif.
L’extérieur de l’arc et des pieds droits est mouluré, mais malheureusement les bases sculptées de chaque côté de la porte ont disparu, rongées par le temps et les frottements. La porte à deux battants en sapin a été posée en 1964 (provisoirement)
Pour accéder à l’église, nous descendons deux marches reposées après guerre, ce sont les marches de la table d’autel entre la croisée et le chœur (table de communion). L’arc intérieur de cette porte est également en anse de panier mais sans moulure. La porte qui donne accès à la nef de l’église est également en anse de panier des deux côtés mais sans moulure (là aussi la porte de sapin est provisoire )
Dans ce Narthex (comme dans le reste de l’église d’ailleurs) la première assise au ras du sol est composée en damier de silex taillés de grès et de pierre meulière (ou tuf). Le reste des murs est appareillé de moellon de craie de pays avec çà et là des moignons de silex nombreux dans cette pierre et laissés apparents par les tailleurs de pierres dans l’impossibilité de les scier.
Quelques reprises des murs sont visibles de place en place mais il est difficile d’en déterminer la date de pose. Par contre, dans l’angle Nord/Est, la reprise date des années 1950 – 1960, ayant été faite en pierre de Saint Maximin comme pour le reste de la restauration de l’église.
Sur les murs, de nombreux noms, dates, annotations ont été gravés au cours des siècles. Nous en dresserons une liste à la fin de ce chapitre. Parlons quand même tout de suite de la date 1819 au dessus d’un triangle et gravée soigneusement sur le mur Sud. Cette marque indique le sommet qui a servi à la triangulation pour établir les cartes de Cassini (nous retrouverons ce signe avec d’autres dates dans certaines églises comme à Quend pour ne citer qu’elle)
Sur le mur Sud est accrochée une croix de fer forgé d’environ 2 mètres de haut. Elle fut donnée comme la plaque l’indique par Fauvel Bouquet d’Onicourt (hameau de
Grébault-Mesnil) et placée ici le 27 août 1897, M. Huguet étant Maire. C’était la plus vieille croix du cimetière qui cernait jadis l’église et qui a été transféré à la sortie du village, route de Liercourt. En fait, elle avait été posée à l’extérieur de l’église derrière la grand croix de tuf (classée) sous les gouttants de la Gargouille du clocher. Elle a été rentrée à l”abri en 1984 par l’ASPACHuppy. Les abouts en fer (tôle fine) formant des fleurs de lys ont disparu. La tige torsadée et le petit christ en fer forgé à la main lui donnent une grande valeur ; sur le derrière, dans la petite niche oratoire, était placée une petite vierge à l’enfant en fer forgé à la main. Sur les murs, sur les linteaux, surtout sur le formeret SUD/EST des portes, nous voyons des traces d’usure faites par la corde des cloches (je dis des cloches car d’après les archives, il y
avait trois cloches dans le beffroi avant la révolution, nous en reparlerons) Là encore, on peut supposer que l’on sonnait déjà les cloches avant la pose de la voûte, car si les cordes avaient été comme maintenant, guidées dans un trou de la voûte à la verticale du « rouet ››, elles n’auraient pas battu le long des murs au point d’y faire des saignées très visibles. Actuellement la corde de l’unique cloche descend à la verticale du rouet dans l’angle Ouest-Nord de la voûte et pour éviter l’usure de la pierre et de la corde, elle est guidée dans un tuyau de bois dur (chêne -frêne – acacia) _
Nous remarquons également dans ce Narthex que le bas des murs sur une hauteur d’un mètre environ, était peint en gris foncé, le reste des murs et de la voûte était en ocre ou blanc comme une inscription sur le mur Sud nous l’indique.
Le sol est encore en béton brut coulé à dix centimètres sous le niveau futur (et ancien) du dallage. Le jour laissé sous la porte d’accès à l’escalier laisse voir cet espace libre.
Voyons maintenant les inscriptions (graffitis) intéressantes sur les murs (Voir annexe I )
Le Narthex de forme carrée mesure intérieurement 3,77 m x 3,77 m – dessus des culots 3 m au dessus du sol définitif – hauteur centre voûte 5,13 m au dessus du sol définitif.
En relevant les graffitis sur les murs, se relève des trous (Voir annexe II ) bouchés dans les archivoltes le long des murs. Ces entailles étaient destinées à maintenir des pièces de bois « cercés ›› qui aidaient à la pose des voûtains. Il y en a trois dans chaque côté des murs. Ils sont pratiquement invisibles du sol. On distingue également des trous de « boulins ›› dans les murs Est et Nord. Ces trous servaient à échafauder pour poser les voûtes.
ASPACHuppy
Annexes I & II
ASPACHuppy
CLOCHER : 1er étage
La 1er salle sur la voûte du Narthex
Nous quittons le Narthex et, passant par la petite porte du mur Nord, nous empruntons l’escalier en colimaçon; après avoir gravi 29 marches, nous atteignons la salle du premier étage, protégée par une grille posée en 1984 par l’ASPACHuppy à la création du Musée (côté d’entourage du cimetière).
Nous sommes sur la voûte du Narthex sur une dalle en béton refaite après la guerre 39/45, jadis le dos des voûtes était apparent et l’accès au mécanisme de l’horloge se faisait grâce à une passerelle en basting et planches.
La salle, à peu près de mêmes dimensions que le Narthex, fait exactement 3,85 m d’Est en Ouest et 3,78 m du Nord au Sud, le plafond de bois (cadre de base du beffroi) est à 5,53 m. Cette pièce est éclairée par trois baies Nord – Sud et Ouest. Sur le mur Est, sous la porte, la petite baie est plus basse que les trois autres. La baie (petite meurtrière) donne sur la nef, ce qui permettait de surveiller le déroulement des offices au temps où l’on sonnait encore les cloches de cette pièce. La porte du mur Est qui donne elle aussi sur la nef, peut paraître haute par rapport au sol de la pièce : c’est qu’elle était destinée à accéder dans la nef au niveau des entraits de ferme. Il y avait certainement jadis une petite échelle de meunier ou un petit escalier pour l’atteindre (linteau cintré).
Cette porte avait son utilité car tout porte à croire qu’il a existé une petite (mais toute petite) tribune sur le plancher entre le mur et le premier entrait de ferme ou entre les veux massifs contreforts.
De la nef, on peut voir encore des trous dans le mur du clocher où étaient encastrées des solivettes de 10 cm x 16 cm environ. Ces trous ne sont plus visibles à droite de la porte car le mur du clocher a été refait à cet endroit après 1945 (nous avons déjà parlé de l’effondrement de cet angle du clocher)
A l’intérieur de la pièce, les encoches sous la porte servant d’appui pour y accéder ont certainement été faites après coup (à la suppression de l’escalier)
Dans la petite baie sous la porte, l’appui a été restauré jadis avec des matériaux de récupération et l’on peut voir deux très vieux carreaux de dallage qui pourraient très bien provenir du premier pavage de l’église, celui-ci ayant été refait et rehaussé à une certaine époque (nous en reparlerons avec la description de l’église).
De nombreux carreaux identiques étaient d’ailleurs dans les décombres de l’église bombardée en 1940 mais malheureusement pas récupérés.
Le plafond de cette pièce
Ce plafond est en fait le cadre de base du beffroi des cloches en charpente de chêne. En termes de métier, c’est l’enrayure basse. Cette enrayure, faite de grosse poutre de chêne, repose en partie sur des pierres posées en encorbellement, c’est-à-dire en saillie par rapport à la face du mur de la salle. Le mur au dessus de cette enrayure étant lui, un peu en retrait, le cadre repose ainsi, ni sur le mur, ni sur l’encorbellement. De ce fait, la salle au dessus se trouve plus grande d’une quarantaine de cm. Avant 1960, il n’y avait de cette enrayure que le cadre, les grosses solives intermédiaires supportant le plancher ont été posées en 1961 par le charpentier restaurateur de l’entreprise Martin au cours de la restauration de la tour, Claude Piette étant compagnon chef de chantier, et Edouard Dymond, compagnon charpentier.
Les calfeutrements sur les côtés ont été réalisés à la création du Musée par l’A.S.P.A.C.H : on peut voir que l’encorbellement a été fortement restauré après la guerre par l’entreprise Charpentier (nous en avons déjà parlé).
Les quatre baies en forme de meurtrières (Voir annexe III) ont toutes été dotées de vitraux vers l’extérieur et de vitres à l’intérieur formant aussi vitrine d’exposition.
Ces vitraux avaient été déposés par l’Abbé Yves Morel chez les petites sœurs des pauvres à Amiens (à noter que la chapelle St Elie du Bois de Cise en a été dotée également).
Cette salle abritait le mécanisme de l’horloge aujourd’hui disparue (ce mécanisme laissé à l’abandon a été vu pour la dernière fois dans les années 1955, il s’est volatilisé après ?). Les deux potences de fer qui le supportaient, sont restées en place étant ancrées dans le mur et avec un plateau de chêne épais posé dessus qui sert «d’autel» et de présentoir dans cette chapelle du souvenir.
Les aiguilles de l’horloge étaient actionnées par des tiges de fer coulissant dans des guides (il en existe encore un sur le mur Sud au dessus des consoles) Les poids étaient suspendus à des câbles passant dans des poulies accrochées tout là-haut sous l’enrayure basse de la flèche. Quelques vestiges de ces poids sont dans la 2ème salle du Musée au dessus.
Le mécanisme était abrité de la poussière, des oiseaux et des pigeons dans une petite « cabane » de bois et de torchis. Les pièces de bois de cette « cabane ›› étaient scellées dans les murs Nord et Ouest. La dimension de cette construction nous est donnée par les trous des murs qui ont intentionnellement été bouchés par des morceaux de briques tranchant avec la pierre des murs pour en conserver la preuve.
L’éclairage de cette « cabane » était assuré par la baie Sud (le cadre de cette fenêtre subsiste, il tient le verre de la vitrine)
Une inscription (nous verrons les autres plus tard) sur le mur Ouest côté Sud au dessus de la culée de voûte nous donne la date de pose de cette horloge :
« Miellot Anselme, menuisier à Huppy a monté l’horloge le 1er 7bre 1878 »
A noter que, d’après les archives, il y avait déjà une horloge en 1794, puisque l’on payait quelqu’un pour la remonter (nous en reparlerons)
Traces d’une voûte sur les murs
Une voûte a existé dans cette pièce, beaucoup d’indices accréditent cette thèse. Tout d’abord, les culots et les gerbes dans les angles. Contrairement au reste de la voûte, ces deux éléments sont montés en même temps que les murs par les bâtisseurs. Eux seuls ne peuvent donc prouver qu’il y a eu pose de voûte. Mais en examinant attentivement les murs nous pouvons voir « l’engravure ›› destinée à recevoir les « voûtains ›› qui elle, est taillée à la demande par les maçons poseurs, au fur et à mesure de la pose de la « paillasse de voûte ››. D’ailleurs un autre élément nous sert de preuve : en effet, dans cette engravure subsiste du mortier à la chaux qui a été soigneusement gardé lors du nettoyage des murs pour installer le Musée. De plus, sous cette engravure, on peut voir de petites entailles faites dans le mur. Ces trous servaient aux maçons pour installer des « cerces ›› qui supportaient les voûtains posés soit du mur au diagonal, soit d’un diagonal à l’autre (nous avions constaté la même chose dans le Narthex). Dans l’axe des murs une entaille verticale un peu plus longue était destinée sûrement à recevoir une pièce de bois inclinée à 30° ou 40° qui renforçait l’ensemble et supportait certainement la lierne allant de la clef de l’archivolte à la clef centrale. On peut en déduire que cette voûte possédait des liernes contrairement à celle du Narthex qui en est dépourvue. (Voir annexe IV). Si cette voûte devait être dotée de liernes, elle était dépourvue de formeret comme le prouve les départs sur les culots. Les voûtains venaient directement reposer dans l’engravure.
Voyons maintenant en détail les départs de voûte et des culots. Il semblerait que ces éléments soient des récupérations au même titre que ceux de l’église sur le mur Ouest du bas-côté Nord que nous détaillerons par la suite. En effet, l’ornementation n’a rien de ressemblant avec la voûte du Narthex en dessous (feuillage, vigne, acanthe). Les culots sont sculptés dans un style rappelant le roman tardif. Le culot Nord-Ouest étant décoré d’un « Soleil à face humaine les trois autres sont moulurés. (Voir annexe V). La petite porte dans le mur Nord à l’angle Est donne sur l’escalier en colimaçon, son arc linteau est en anse de panier surbaissé. (Voir annexe VI).
Les traces de frottements et d’usure des cordes sur les murs
Des traces d’usure dues à des frottements de cordes sont visibles sur les murs de cette pièce.
Sur le mur Nord deux traces verticales à 1,50 m environ l’une de l’autre.
Sur le mur Sud à peu près les mêmes ; on peut, grâce à ces traces d’usure, penser qu’il y avait plusieurs cloches dans le clocher (des archives font état de trois avant la Révolution) De plus, les traces allant du milieu de la hauteur des murs jusqu’au niveau du plancher bas de la pièce, on peut donc en déduire comme dans le Narthex d’ailleurs, que les cordes se tiraient bien avant la construction de la voûte basse, car comme dans le Narthex, si les cordes avaient été guidées, elles n’auraient pas pu battre sur une telle amplitude. Les saignées sont très visibles sur cette pierre tendre qu’est la craie de pays.
Au dessus de la porte d’entrée sur l’escalier, il n’y a pas de traces de frottements de cordes, cette partie du mur a fait l’objet d’une restauration après la guerre. Le clocher ayant été touché par les bombardements de mai 1940, l’angle Nord-Est et la tour d’escalier étaient à terre jusqu’au niveau du linteau de porte. Pendant la guerre des travaux de consolidation avaient été fait pour empêcher la flèche de bois de s’écrouler, le mur ayant été remonté en hâte avec les vieux moellons pour supporter la base du beffroi et les pierres en encorbellement (il existe une photo prise à cette époque et un dessin à la plume a été fait après par Claude Piette).
Le linteau de la porte refait après 1945 est en anse de panier surbaissé en pierre de Saint- Maximin.
Pour terminer, nous jetterons un coup d’œil aux dates et aux noms gravés par nos aïeux sur les murs de cette pièce. Outre celle relative à l’horloge déjà citée, apparaissent :
Les noms de : BERTHE – LEMIRE – BOUTILLER – CUVELLIER – FLUTTE – DUFOSSE – QUENEHEN – MIELLOT/MONT – HETROY etc… »
Les dates : 1615 – 1682 – 1686 – 1696 – 1776 – 1789 – 1830 – 1878 – 1921, avec comme toujours quelques unes plus ou moins fantaisistes que nous ne retiendrons pas. Il ne nous reste plus qu’à reprendre l’escalier qui nous conduira à la salle du 2ème étage, sur l’enrayure basse du beffroi des cloches, posée sur les pierres en encorbellement.
ASPACHuppy
Annexes III – IV – V – VI
ASPACHuppy